Maitrise vs fatigue, un choix à faire?
- Rugbyconditioning
- 20 oct. 2021
- 5 min de lecture
Dans beaucoup de sports, on entend parler de "pic de forme"; s'entrainer toute une saison pour une ou plusieurs échéances sur le calendrier afin de performer à un moment précis.
Ceci concerne surtout les sports dits Olympiques avec le besoin de performance qui est une ou deux fois par an (voire plus selon les années).
Quoiqu'il en soit ces sports ne comportent pas des compétitions tous les weekend.
Dans le monde des sports collectifs et donc du rugby la réalité est différente car il y a des matchs tous les weekend, de fait, il y a un besoin de performance toute les semaines.
En effet, a part exception, le besoin de gagner est bien présent tout au long de la saison.
Avec ce constat, la notion de pic de forme dans le rugby (excepté des compétitons comme les compétitions internationales) est plus complexe que ce que l'on pourrait croire.
Il faudrait que le pic de forme dure du premier au dernier match; ce qui complexifie la tâche

Le CMJ (counter movement jump) est souvent utilisé pour monitorer la forme des joueurs.
Est ce que sauter 0,5 cm moins haut est un signe de contreperformance au rugby?
En toute logique prenons deux exemples:
Une équipe qui joue le maintien va devoir se battre tous les weekends afin d'engranger le maximum de point pour rester dans le niveau de compétition. Il faudra donc donner le meilleur de soi même tout au long de l'année.
Une équipe qui joue le titre, va elle, avoir besoin de se qualifier, d'engranger des points au classement et d'avoir le meilleur classement possible. De plus, pour gagner la finale, il faudra gagner la demi finale…
Quelque soit l'objectif, le besoin de performer est bel et bien présent toutes les semaines. En d'autres termes, la notion de pic de forme est quelque peu erronée ou plutôt, doit se définir autrement.

Cette démonstration se veut logique sur l'échelle d'une année, avec des moments de forme, de fatigue, de force et de faiblesses mais toujours avec le besoin de gagner et de performer.
Dans des sports comme le rugby, un sport ou le modèle de performance est complexe et ne se cantonne pas qu'aux qualités physiques, le besoin de performer peut passer et va passer par plusieurs secteurs.
En effet un joueur de rugby a besoin d'être en forme évidemment, mais a aussi besoin de maitriser ses gestes techniques, ses choix tactiques et avoir une compréhension totale de la stratégie.
Les modèles d'apprentissages en science de l'entrainement parlent de 10000 heures pour devenir expert dans une tache.
En s'appuyant sur ce concept, on sera d'accord pour dire que plus l'on s'entraine et plus on va se diriger vers un niveau de maitrise supérieur.

Mais voila, c'est là que l'on va être confronté au dilemme entre s'entrainer plus pour avoir un niveau de maitrise supérieur et s'entrainer moins pour "espérer" être plus frais physiquement.
S'entrainer plus au rugby, signifie se donner plus d'opportunités de progresser au rugby. C'est bien le but de tous les joueurs. Il va donc falloir jongler avec les effets physiques de la charge d'entrainement et les effets technicotactiques.
On peut faire le parallèle avec des étudiants en plein examens. Qui va avoir les meilleures notes?
Celui qui se couche tôt sans trop avoir réviser ses cours dans le but d'être frais ou celui qui va veiller un peu plus pour réviser plus.
On est dans le mêmes cas. On ne parle pas de nuit blanche en apprenant toutes ses leçons la veille mais bel est bien passer plus de temps à apprendre.
Pour le rugby c'est la même logique, ne pas avoir peur d'avoir quelques courbatures si c'est pour être plus performant techniquement, tactiquement et stratégiquement.
Si l'on partage la performance en secteur, on peut sortir un modèle mathématique simple:
Performance rugby = Physique + technique + tactique + stratégique
On perd un point physiquement mais on gagne un point dans les autres secteurs alors le score de performance sera plus grand.
nb: veiller a ne pas perdre trop de point sur la partie physique sinon l'expression des autres parties sera amoindrie
Evidemment, on ne parle pas de fatigue accrue ou les joueurs ne peuvent pas mettre un pied devant l'autre mais de l'absence de sensations de fraicheur optimale.
L'exemple est plus parlant si l'on parle d'un joueur qui aura atteint un niveau rugby de faire le bon choix et de casser la ligne en atteignant une vitesse de 32 km/h pour aller marquer.
En étant plus frais, il aurait pu atteindre 32,6 km/h mais n'ayant pas reconnu la situation, il n'aurait pas percé et donc pas marqué…

On note bien qu'on ne parle pas de baisse de performance physique mais de priorisation de l'entrainement pour être un meilleur joueur dans le globalité.
L'objectif est d'avoir un niveau de fatigue permettant un niveau de maitrise le plus haut possible sans rentrer dans une zone dangereuse au niveau des blessures; un dosage de tous ces paramètres.
De plus, un niveau de maitrise plus important va permettre une meilleure gestion des efforts et des sensations de contrôle du sujet, ce qui peut éloigner le sentiment de fatigue.
Ces sensations sont d'ailleurs le quasi quotidien des joueurs professionnels au plus haut niveau avec l'enchainement des compétitions de semaine en semaine.

Paradoxalement, c'est avec ce type de joueur, des experts dans le domaine ou il serait possible d'avoir une logique inversée en voulant maintenir les niveaux de maitrise "rugby" car ils sont déjà à l'apogée et maximiser la forme physique.
Mais ici on n'est pas loin des All Blacks, des Kangourous ou du State of Origin; pour les autres le niveau de maitrise du rugby devra encore être développé.
Dans les cas concrets cela va passer par une variations des charges d'entrainement afin de diminuer la charge totale à l'approche des matchs mais en s'assurant que le charge des composantes rugby soit suffisante pour maitriser son sujet.
C'est à dire que l'on peut gérer les efforts physiques en fonction des efforts du rugby et du calendrier, bien choisir ses contenus en fonction des jours en terme de cout énergétique et de récupération.
Le niveau physique doit être suffisant pour performer mais la maitrise du rugby doit être maximale.
Physiquement il y a aussi un parallèle similaire pour s'assurer de pouvoir maintenir les intensités et les charges cognitives liées à la pratique sous fatigue.

En effet, il est important que le joueur connaisse des niveaux de difficultés plus haut que le match afin de rendre la perception de ce dernier plus facile.
Cela passe par de l'intensité et de la densité physique mais aussi par de la résolution de problème mêlant toutes les composantes de la performance rugby.
Pour conclure, il faut garder à l'esprit que la pratique du rugby permet de devenir un meilleur joueur de rugby et ne pas avoir peur de passer par des phases de développement qui pourrait diminuer la forme physique (toutes proportions gardées) mais augmenter la maitrise de son rugby.
On aura tous compris que l'on ne préconise pas des séances de développement physique la veille du match pouvant générer une fatigue menant à la contre performance. Mais si il faut passer 5 minutes de plus à régler sa passe ou sa technique de plaquage alors pourquoi pas!
Notons encore une fois que l'objectif ultime est de maximiser tous les domaines de la performance en étant à 120% dans tous les compartiments. L'objet de cet article est de montrer que le consensus peut être fait selon les structures, les niveaux ou le contexte dans lesquels on évolue.

Une fois les niveaux de maitrise souhaités atteints, on pourra, en effet faire des réglages d'orfèvres sur sa Ferrari…
Malheureusement, tout le monde n'est pas Sonny Bill Williams.
Notre rôle en tant qu'entraineur et préparateur physique est de maximiser la performance en jouant et en dosant les curseurs de ses paramètres sous jacents.
Bon entrainement à tous @rugbyconditioning
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